50 ans d’écologie politique à Biarritz
La Côte des Basques, de Beltza à Marbella, est depuis des décennies l’objet de querelles mémorables. Parce qu’elle est fragile d’abord, parce qu’elle est emblématique ensuite. Celles des années 1970 firent naître à notre génération un sentiment que je qualifierais d’écologiste a posteriori : à l’époque il ne se qualifiait pas lui-même ainsi. Voilà pourquoi j’ose penser que nous, Biarrots, sommes devenus écologistes presque sans nous en rendre compte.

En effet, après des années d’une urbanisation incontrôlée, sinon par d’heureux promoteurs dont certains disparurent avec la caisse laissant des verrues à travers la ville ou ses abords (Ilbarritz), les élections municipales de 1971 furent l’occasion d’une violente bataille autour du projet pharaonique du maire de l’époque, d’une marina gigantesque à la Côte des Basques. Le maire, Guy Petit, et sa liste au complet, furent élus sans coup férir (le système électoral d’alors permettait à une liste d’être élue en son entier sans aucune opposition au Conseil municipal). D’ailleurs, ce projet ne vit pas le jour, mais pour d’autres raisons qu’une opposition politique : ce que j’appelai plus haut « disparaître avec la caisse ».

Un petit groupe, horrifié de ce qui se projetait, créa une association de défense de la Côte des Basques, animée par l’infatigable, obstiné, fantasque, mais par bien des aspects, créateur de génie, Georges Hennebute. Les falaises s’effondraient peu à peu dans l’océan sans qu’on n’y fît rien sauf imaginer qu’un mur d’immeubles d’un kilomètre couronné d’une tour de 50 m de haut et une marina, protégeraient les villas en surplomb. Naissait ainsi ce qui est pour moi, dans mon souvenir en tout cas, une première opposition nature – béton et que j’analyse comme les premières manifestations du sentiment écologiste presque inhérent au fait d’être Biarrot aujourd’hui. Quand on naît « les pieds dans les vagues de l’Atlantique », avec l’océan immense et précieux pour horizon, que l’on fréquente ses plages s’amenuisant d’année en année, que l’on connaît sa puissance, celle des vents, des marées et des tempêtes, chacun de nous sait qu’on ne peut s’y attaquer sans conséquences dramatiques.
La vague de constructions délirantes dura jusqu’aux municipales de 1977 et l’élection de Bernard Marie, dans le journal de campagne duquel on put lire cette plaisanterie toujours d’actualité :
- « Quel est le plus bel endroit de Biarritz ? »
- « C’est le Victoria-Surf, car c’est le seul endroit d’où on ne le voit pas ».
Paradoxalement, on met au débit de ce maire, d’avoir bétonné la ville alors qu’il y mit plutôt un frein et qu’il engagea le toujours progressant programme de confortement des falaises de la Côte des Basques. On ne peut cependant passer sous silence le plateau de la gare qui demeure la négation même de l’architecture et de l’urbanisme. Sous son mandat (1977-1991), les appétits furent contenus. C’est d’avoir oublié une des raisons de sa victoire de 1977 qu’il chuta sur le projet de destruction d’un immeuble emblématique de Biarritz s’il en est, le Casino municipal ; les Biarrots lui firent savoir leur opposition après que Monsieur Borotra eût saisi l’occasion de provoquer une crise municipale et des élections anticipées en 1991. Pour plier définitivement le sujet, Monsieur Borotra, élu maire, créa une ZPPAUP qui eut le mérite de geler de nombreux appétits.

Je ne rechigne pas au petit plaisir, peu compatissant je l’avoue, de rire de ces pauvres propriétaires de l’immeuble Le Signal à Soulac, qui s’émeuvent depuis 2010 de ce que l’océan avance sur les terres : mais il fallait venir nous demander, voyons ! avant d’acheter de telles bêtises à un endroit aussi sot (et dans un bâtiment aussi moche) ! Dès les tempêtes de l’hiver de 1973, nous avions vu disparaître l’hôtel Marinella, à Anglet, l’océan avaler plusieurs dizaines de mètres des plages angloys, nos propres falaises de la Côte des Basques ou du phare s’effondrer (l’océan n’en est pas la seule cause) et la côte de la Milady à Ilbarritz remodelée de manière irrémédiable.
Ces quelques rappels historiques juste pour montrer comment les Biarrots fûmes tôt conscients de la nécessité de protéger notre patrimoine naturel, car nous savons que nous devons tout à l’océan qui fut vivrier, à nos plages qui sont devenues un moteur économique, à la forêt et la campagne environnantes qui font le charme, la beauté et la variété du Pays basque, et à la montagne dont l’emblématique Rhune est le symbole : tous contribuent, avec le Gulf Stream que j’ai failli oublier, à la douceur unique de la vie en Pays basque et sur notre côte, de l’Adour à la Bidassoa et au-delà.
Je montrai, il y a longtemps, à un condisciple de passage, la vue sublime du plateau du phare sur les montagnes et le Golfe de Biscaye :
- « Regarde ce que cette ville est belle ! »
- « Ce serait bien plus beau si elle n’y était pas » me répondit-il (peau de vache !).
Je fus vexé, mais il avait le Victoria-Surf et le Miramar sous les yeux. Qu’importe : aujourd’hui Biarritz est là et nous avec elle. Tous, nous savons ce devoir, qui est en même temps un bonheur, de protéger notre cadre de ville, la nature d’où nous sommes issus et la limpidité des eaux qui ne sont pas que de baignade. Nous tous, Biarrots, savons que la montée du niveau des océans serait mortifère pour des cités et régions comme les nôtres et qu’il nous faudrait un jour nous résoudre à l’inéluctable si nous ne nous hâtons pas de sauver ce qu’il est encore possible de sauver.
Nous n’avons pas attendu les mouvements écologistes pour être des écolos sans le savoir, et les premiers à connaître la nécessité de défendre notre terre et nos océans.

Heureusement que le projet de cette marina futuriste n’a pas abouti. On a échappé belle !!!
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Bien vu Jacques ! Et dans cet inventaire du massacre de Biarritz, tu aurais pu ajouter les immeubles Cap Sud (au phare), la thalasso de Bobet, la résidence Bellevue-Clémenceau, les Corsaires (accolé à l’Eurotel), Nadaillac (dominant la Côte des Basques), le Sunset (juste en dessous),le Grand Large, Edouard VII (à la Milady). En 13 ans, Guy Petit aura assassiné notre ville.
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« assassiné ». Tu sais bien que non, tu sais toi-même être plus mesuré et reconnaître que le rachat du Palais fut déterminant pour ce qu’est Btz aujourd’hui. Pas assassiné ; défiguré ? Peut-être. L’assassinat commença dès la vente des hôtels à la découpe.
Edouard VII, c’est vraiment… ça me rend malade d’imaginer ce que pourrait être tout ce secteur Marbella-Milady-Ilbarritz sans ce truc-là.
Ta liste est presque exhaustive. Il faut ajouter les résidences Atlantic et Océanic au-dessus des arceaux, les 1e de ta longue série et celles (leur nom ?) dans le virage Clemenceau-Foch : quelle calamité !
Mais mon propos était juste de constater et de tenter de tirer des leçons. Car on parle de l’importance de l’eau. Or le tropisme touristique fait oublier à certains que la baignade du mois d’août c’est bien secondaire dans le combat pour la défense des océans
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Une petite vidéo historique sur le projet de port de plaisance à la Côte des Basques: https://www.ina.fr/video/CAF93027317
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Bonjour,
L’hôtel Marinella a Anglet n’a pas disparu en 1973, mais certainement un peu après. En effet, j’étais en vacances en 1975 à Anglet, très exactement dans cet hôtel.
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