Se laver le regard

Ado et lycéen à Villa-Pia, j’avais l’habitude, tous les samedis en début d’après-midi sitôt le déjeuner terminé, d’aller faire le tour des côtes à pied quel que fût le temps, en remontant du Casino ou du Palais vers le haut de la Côte des Basques puis je rentrais travailler.
Tous les samedis, je croisais mon prof de Français, homme d’une admirable et fulgurante intelligence, d’une grande culture et doté d’une ironie dont j’espère être digne. Nous nous saluions chaque fois, c’est tout, chacun respectant les pensées de l’autre.
Juste une fois nous nous arrêtâmes pour échanger quelques phrases ; il me livra alors cette magnifique pensée qui ne m’a jamais quitté :

  • « J’aime me promener le long de l’océan, ça lave le regard ».

Par la suite nous devînmes très amis et continuâmes à nous voir régulièrement, bien après lycée, études et mariage. Nous avons entretenu une correspondance fournie dont j’ai conservé l’essentiel, en particulier une très belle et longue lettre où il me confiait ses interrogations sur la mort. Il était un grand cardiaque et avait déjà eu deux graves infarctus. 

Il est mort relativement jeune, c’était l’abbé Lucien Duvergé.