À nouveau, le choc
C’était en 1974, je crois, j’avais donc 16 ans ; ou peut-être 1975 ? Peu importe. L’APEL-Aquitaine, Association de Parents d’Elèves, organisait chaque année un voyage assez lointain pour des élèves de seconde.

J’eus de la chance, la destination de cette année-là était Venise. J’avais une vague idée de la Sérénissime sans savoir ce qui m’attendait vraiment. Le choc initial, celui de la sortie de la gare fut énorme et m’embarquait pour trois jours, d’émotions insoupçonnées en découvertes saisissantes. Parmi elles, il y eut l’église Santa Maria dei Frari. L’église, oui. Mais pas que…
Le bâtiment, sa façade comme ses portes latérales que domine le campanile, sont admirables ; par ces dernières on entre dans un écrin d’œuvres d’art rares et admirables aussi. Je fus instinctivement et directement attiré par le chœur et ses merveilleuses stalles qui, après un beau jubé, en occupent une large place.

C’est là que je m’installai pendant que mes camarades suivaient la guide dans ses explications autour de l’église où se trouve pourtant le tombeau de Claudio Monteverdi que, déjà, je vénérais, et dans la superbe sacristie contenant des trésors d’orfèvrerie et ornements sacrés. De tout cela je ne vis rien, mon regard était fixé sur le retable que j’approchai en quittant les stalles pour les bancs plus en avant.

Je peux dire que ce fut une déflagration ; quelque chose que je ne saurais décrire ; oui, je ne trouve d’autre mot que déflagration, sauf peut-être fascination. J’avais les yeux rivés à ce tableau. Je n’ai rien suivi de la visite, rien écouté de ce que cette guide expliqua à mes camarades, je ne vis rien d’autre que cette splendeur.
Les couleurs, qui n’étaient pourtant pas ce qu’elles sont redevenues après restauration, le mouvement, le mouvement vers le haut que l’on distingue si bien de loin, le mouvement des hommes vers cette Vierge qui les quitte, le mouvement de cette Vierge vers plus haut qu’elle encore, les bras tendus et ce regard, ô ce regard extraordinaire à Celui qui l’accueille. J’étais scotché à mon siège, incapable de détourner le mien.
Il fallut qu’on vînt me chercher, toujours assis sur ma chaise, quand le groupe quitta les lieux. Je suivis, sonné, peut-être un peu hébété, sans savoir ce que j’avais vu, hormis un admirable et unique chef d’œuvre, un pur et sublime prodige, ni même qui en était l’auteur… C’est plus tard que je me renseignai : l’Assomption de la Vierge de Titien

Pour être ainsi scotché sur son siège le jeune Adonis cherchait déjà sa Vénus, semble-t’il !
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Et cherchant sa Vénus il découvre une vierge ? Êtes-vous sûr qu’il y gagnât au change ? En tout cas son destin en eût été changé !
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Merci Jacques de nous faire partager ce moment ! Quelle belle plume et quel magnifique tableau
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Merci Philippe. Mais je crois que tu es trop gentil 😉
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