La culture, facteur de l’identité et de la vitalité d’une cité
On ne va pas entrer dans l’histoire des politiques culturelles de la république. Juste rappeler pour le plaisir, le discours fondateur de Condorcet sur l’instruction publique, en 1792, qui énonce pour la première fois le lien entre développement du savoir et émancipation sociale. Puis le premier ministre de la culture de la Ve République dès 1959, André Malraux, qui donne à son ministère la mission de « rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre d’hommes ». On notera le glissement entre les deux approches, mais cent cinquante ans ont passé : la première se voulait et était révolutionnaire, l’émancipation sociale, quand la deuxième avait pour ambition une irrigation de l’art dit bourgeois vers tous les publics, ce qui est plus qu’une inflexion, ce sont deux conceptions philosophiques opposées.

Première Maison de la Culture créée en 1961 par André Malraux. Architecte : Oscar Niemeyer
Malraux crée les Maisons de la Culture afin que « n’importe quel enfant de seize ans, si pauvre soit-il, puisse avoir un véritable contact avec son patrimoine national et avec la gloire de l’esprit de l’humanité ». Elles sont l’embryon de l’actuel et imposant réseau des Scènes nationales, Centres dramatiques nationaux, Centres chorégraphiques nationaux, Orchestres et Opéras nationaux (on en oublie) qui irriguent désormais notre territoire. C’est là que démarrent les politiques publiques d’action culturelle qui, de nationales et quasiment étatiques, vont peu à peu devenir des enjeux de cohésion territoriale au service des villes, au point d’en devenir des acteurs de politiques économiques et de puissants marqueurs de vitalité et d’attractivité. De Montpellier (Corum), à Marseille (Mucem), en passant par Lens (Louvre) et Bordeaux (Meca, Cité du Vin), les équipements culturels fastueux sont nos nouvelles cathédrales.
L’identité culturelle

Photographe inconnu
Le Pays basque fut longtemps un écueil pour les politiques d’action culturelle. Le paradoxe n’est pas unique, il est partagé par toutes les régions à identité culturelle affirmée. Cette identité s’accompagnait souvent de revendications à caractère politique progressistes en même temps qu’elle était plutôt conservatrice dans les formes artistiques elles-mêmes. Elle a longtemps été prise pour une action ou, plus exactement pensait-on, elle tenait lieu d’action culturelle. Par frilosité et manque d’audace, il fallut du temps pour passer l’obstacle qui était surtout dans les esprits. Pas uniquement dans celui des élus, mais souvent dans celui des acteurs eux-mêmes.
Malheureusement, à la fin du XXe siècle, alors que le Pays basque s’organisait autour de Bayonne et du Sud-Aquitain et d’institutions culturelles locales nationalement reconnues, Biarritz échappait au mouvement et se distinguait sous le prétexte souvent justifié de sa particularité de ville de tourisme et de congrès, voire de sa sociologie, ce qui est plus discutable.
Les événements culturels
C’est de la volonté d’un maire et de son emblématique adjoint à la culture, Monsieur Abeberry, que naquirent la plus belle médiathèque d’Aquitaine, le seul Centre chorégraphique national qui ne soit même pas dans une sous-préfecture, l’un des plus beaux festivals de danse de France et de nombreuses autres manifestations thématiques dont certaines de promotion et de pratique de la culture et de la langue basques. Si notre petite cité hésita longtemps entre deux cultures, l’entre-deux-guerres lui conféra le cachet basque que nous lui connaissons et, ces dernières années, de nouveaux événements, spectacles et festivals, installèrent définitivement le désormais indissociable « Biarritz-Pays basque ». L’objectif spectaculaire est indiscutable ; la haute qualité également ; les événements se haussèrent à la valeur de la renaissance touristique de la ville qui est ainsi animée, de mois en mois, de manifestations dignes de son public en villégiature.
L’action culturelle, municipale et associative
Une succession d’événements ne fait cependant pas une politique culturelle. Le défilé de manifestations associatives de qualité et pertinence diverses, pas davantage. En revanche, est nécessaire la conjonction d’une offre événementielle municipale, même portée par des structures externes, et de l’action des associations implantées dans le paysage social, qui auront pour mission de relayer, étendre et développer le discours artistique par la découverte et la pratique de l’art. Pour ne pas alourdir notre propos, on ne parle ni de l’école ni de l’Éducation nationale pourtant partenaires obligatoires d’une politique culturelle digne de ce nom.

©Atabal/Christophe Duguet – Euskalzoom360
On ne veut non plus entrer dans les détails, mais force est de constater que trois structures phares à Biarritz sont exactement dans cette démarche dynamique : l’Atabal, le Théâtre du Versant et la Médiathèque à laquelle on accorde bien volontiers une majuscule. On pourrait ajouter la danse mais de manière moins coordonnée et plus disparate bien qu’elle soit la plus visible. Pour le reste… Le pôle image et la politique d’ouverture aux Beaux-Arts et à l’Art contemporain semblent en déshérence ; la musique est totalement absente ou incohérente ; même les arts de la voix et du chant ne sont pas promus, un comble en Pays basque dans la ville de la septuagénaire Oldarra. Quant à la découverte de nouvelles expressions artistiques comme le cirque contemporain, elle est totalement absente.
Par-dessus tout, fait défaut le lien social que créent la culture et les expressions artistiques partagées dans la pratique collective. C’est en cela qu’est important le tissu associatif, comme initiateur, relais, facilitateur et bien sûr médiateur culturel pour que les artistes du spectacle vivant s’inscrivent dans leur territoire et interagissent avec leurs publics ; enfin, que les associations aillent labourer les terrains difficiles des déserts culturels de publics empêchés socialement ou économiquement.
Les équipements culturels
Pour oser de telles ambitions, une ville doit se doter d’équipements adéquats. Les années 80 virent la décrépitude du Théâtre du Casino municipal. Vinrent, en 1990, le Palais des Festivals vite rebaptisé Gare du Midi puis, en 1993, la réhabilitation quasiment à l’identique du Théâtre du Casino et enfin la création de nouvelles salles. Le bât blesse quand on confronte les nécessités techniques des lieux de spectacles aux configurations des salles de congrès : leurs caractéristiques sont à de rares exceptions près, incompatibles. Le maire de Biarritz lança le mouvement en 1991 mais n’alla pas au bout de la logique de salles spécialisées, il est vrai d’un coût d’investissement et surtout, de fonctionnement important. C’est la raison pour laquelle le projet artistique et culturel doit préexister à l’équipement sauf à courir le risque de salles sous-utilisées voire rapidement obsolètes. Dans une autre vie, on avait l’habitude de combattre à toute force les salles polyvalentes en montrant que dans le meilleur des cas elles devenaient univalentes et dans le cas général, nullivalentes.
Une ambition nouvelle

Trente ans. C’est l’âge auquel une salle de spectacle bien utilisée doit être modernisée pour répondre, par des investissements techniques de pointe, à sa nécessaire efficacité et aux non moins nécessaires besoins d’économies de fonctionnement. Il est donc temps de reprendre l’ensemble de la politique culturelle et artistique de Biarritz et de la repenser non à visée touristique, ce qui en est une déviance, mais dans le but premier de la construction individuelle et collective de ses vingt-cinq mille habitants.
Cf. aussi De l’éducation, de l’art
Il faudrait une nouvelle médiathèque. Quand la ville passe plus de 3 mois par an à 100000 habitants et qu’il pleut un peu par moment l’actuelle médiathèque est vite saturée. Des sites inoccupés et qui appartiennent à la mairie ne manquent pas. Tout comme le cinéma d’art et d’essai le Royal aurait besoin d’être entièrement rénover voire reconstruit ailleurs. Près ou à la place de la cité de l’ocean.
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Le mot est peut-être attribué à tort à Churchill, en tout cas on aimerait qu’il l’eût vraiment prononcé tant il a de sens : quand on lui demanda de couper dans le budget de la culture pour participer à l’effort de guerre, il aurait répondu : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? »
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