Figure biblique essentielle, elle l’est aussi dans l’art : la Vierge, et particulièrement la Vierge en Pietà. Une Pietà, est une figure statique de la Vierge recueillant le corps de son Fils mort, à la descente de la croix, toujours mutique et « donnant à l’immolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour », selon les textes.
Le Greco
Deux versions d’une mise au tombeau mais Greco les intitule lui-même Pietà bien que les personnages soient en mouvement. Comme souvent, Greco a peint deux versions – deux visions ? de la même scène à deux époques différentes. Les différencient des détails qui changent la conception de la scène que put avoir le peintre à quelques années de distance. En plus de leur beauté immanente, elles sont intéressantes pour cela aussi.

La première est encore claire et aux couleurs assez vives. Trois personnages tirant ce corps mort, seuls dans un paysage dévasté. Le regard de la Mère, souffrant, se tourne vers le Calvaire, comme l’implorant ; celui-ci domine la scène, émergeant d’une légère éclaircie dans un ciel d’orage.
Musée du Prado – la deuxième vers 1575

La deuxième, postérieure, est d’une intensité tragique bien plus grande. Greco a forcé les traits et les ombres, assombri les couleurs, le ciel est de plomb et, détail d’une grande importance, le Calvaire est caché par un nuage noir à la vue de la Mère : pour ne pas attiser sa souffrance ? Ainsi son visage domine-t-il, seul, toute la partie supérieure de la scène et semble-t-il implorer davantage le Ciel que le lieu du supplice de son Fils.
Caravage
Ce n’est pas exactement une descente de la Croix ; ce n’est pas encore une mise au tombeau et ce n’est plus tout à fait une Pietà puisque la Vierge se tient au second plan, sa figure étant exactement au centre, sans même toucher son Fils. C’est plus exactement une Déposition. Les regards des trois personnages centraux sont tout de retenue et d’abnégation. Le personnage de premier plan, Nicodème, semble interroger l’artiste, quant à la jeune femme à l’arrière, elle cède, par son expression déchirée, au maniérisme de l’époque. Si l’on veut aller un peu plus précisément dans l’analyse, on peut s’arrêter sur les jambes de Nicodème et surtout la gauche : elle donne l’impression de supporter l’ensemble de la scène sur la dalle de pierre ; quelle puissance en ressort ! Et quel souci de vérité dans les attitudes et les traits : la Vierge, en particulier, a ceux d’une vieille femme. Extraordinaire Caravage : chaque personnage est un caractère, les postures et les regards sont tout, sublimés par la lumière, évidemment, mais il est presque superflu de le relever.

Michel-Ange
Et puis, et puis… Admirable, sublime et bouleversante Pietà Bandini de Michel-Ange. Quand il la commence, il a 75 ans, en 1550. Nous sommes tellement loin de celle de Saint-Pierre ! Ce n’est pas une commande ; on suppose qu’il la destinait à son propre tombeau. Il ne la finira pas car d’un geste malheureux (de Michel-Ange ?!) il l’abîmera et commencera à la détruire à coups de marteaux. Heureusement arrêté par un de ses élèves qui la « réparera » (on peut oublier le personnage de gauche qui, peut-être plus abîmé, n’est manifestement pas de la même main). Voyez l’expression du personnage arrière mais central, Nicodème, dans lequel Michel-Ange se serait représenté : il est d’une beauté incroyable et suscite une telle émotion !

Au Musée de l’Œuvre du Duomo à Florence, récemment, entièrement et remarquablement refait dans une muséographie époustouflante. L’œuvre y est admirablement mise en valeur, seule dans une salle dédiée.
