Violences policières ?

Au moment où la plume me démangeait de dire mon incompréhension de l’importation sans fondement en France de problèmes propres au communautarisme américain et mon étonnement de voir ressortir des événements liés à la mort d’un homme il y a quatre ans, deux textes sont venus me couper l’encre sous la plume : l’éditorial de Franz-Olivier Giesbert (Le racialisme, ce « bon » racisme de gauche, Le Point n°2494 du 11 juin 2020) et un long et beau texte de Monsieur Max Brisson, sénateur des Pyrénées-Atlantiques. Je renvoie à la lecture de l’article de FOG, n’en citant qu’un paragraphe symbolique : « Les racialistes, les décoloniaux et les indigénistes, autrement dit les « Français malgré eux », importent leur idéologie des campus américains et ne cessent de marquer des points, comme le montre leur campagne contre les « violences policières » en France après la mort du Noir George Floyd aux États-Unis. »

En revanche, et avec son accord, je reproduis ici, sans commentaire, le texte intégral de Monsieur Brisson :

Intervention au sénat

Alors que la France est encore en état d’urgence sanitaire et que les rassemblements publics de plus de 10 personnes sont interdits par la loi, mardi 8 juin, l’association SOS Racisme a organisé un rassemblement pour dénoncer la mort de George Floyd, un afro-américain asphyxié par un policier le 25 mai dernier.

Déjà, le 2 juin dernier, quelque 20.000 personnes se sont rassemblées illégalement devant le Tribunal de Paris, répondant à l’appel du comité de soutien à la famille d’Adama Traoré, un jeune homme de 24 ans mort en 2016 après son interpellation. Le collectif « Justice pour Adama » exploite l’émotion suscitée par la mort de George Floyd aux États-Unis pour contester une enquête menée en France. La famille Traoré appelle à une nouvelle manifestation le samedi 13 juin.

Le 2 juin, les participants scandaient « Tout le monde déteste la police » et « Policiers, assassins ! ». Un CRS noir a été conspué par la foule. Une vidéo montre des manifestants le traiter de « vendu ». La chanteuse Camélia Jordana, qui s’était déjà fait remarquer en accusant sur France 2 la police de « massacrer [des hommes et des femmes] pour nulle autre raison que leur couleur de peau », a chanté lors de cet attroupement illégal « Revolution has come ! Time to pick up the guns! » (La révolution est arrivée ! Il est temps de prendre les armes !). Assa Traoré (soeur d’Adama Traoré) demande aux policiers de se mettre à genoux.

Pour rappel, le 19 juillet 2016, jour de canicule, Adama Traoré est décédé dans la caserne de Persan, deux heures après son arrestation à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). L’opération des forces de l’ordre visait son frère Bagui Traoré (actuellement en prison), alors soupçonné d’extorsion de fonds. Après avoir échappé à une première interpellation, Adama Traoré avait été interpellé au terme d’une course-poursuite, dans la maison où il s’était caché.

Alors que trois expertises médico-judiciaires commandées par un juge d’instruction indépendant ont écarté la responsabilité des gendarmes (expliquant notamment qu’une pathologie cardiaque rare combinée à une condition de stress intense sous concentration élevée de cannabis avait pu conduire au décès), une expertise privée commandée par la famille, dévoilée mardi 2 juin, affirmerait le contraire (selon l’avocat de la famille).

Christophe Castaner a annoncé, lundi 8 juin, avoir demandé aux directeurs de la police et de la gendarmerie « qu’une suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d’acte ou de propos raciste » de la part d’un policier ou d’un gendarme. Ses consignes ont été l’objet de nombreuses réactions de la part des représentants syndicaux des forces de l’ordre, à l’image de Denis Jacob, secrétaire général d’Alternative Police CFDT, qui expliquait sur BFMTV : « S’il y a suspension sans preuve, j’appelle mes collègues à déposer plainte contre le ministère pour décision arbitraire ».

Christophe Castaner a également affirmé le 9 juin sur BFMTV que « l’émotion mondiale, qui est une émotion saine sur ce sujet, dépasse au fond les règles juridiques qui s’appliquent ». Interrogé sur l’opportunité de poser un genou à terre, il a déclaré : « la politique est faite de symboles et si ce symbole-là était utile pour vaincre le racisme, je serais parfaitement à l’aise de le faire ».

Le 8 juin, l’AFP révélait que le président de la République avait demandé à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, de se pencher sur le dossier d’Adama Traoré. La famille Traoré a ainsi reçu une invitation de la place Vendôme pour rencontrer la ministre, qu’elle a déclinée, en bafouant la séparation des pouvoirs qui n’autorise pas un ministre à intervenir dans des cas individuels.

Les forces de l’ordre consacrent leur vie à protéger la nôtre. Ils sont sur tous les fronts : face au terrorisme, lors des mouvements sociaux, pour faire respecter le confinement sans matériel de protection… Ils sont quotidiennement en première ligne face aux délinquants et à la flambée de violences : il y a plus de 700 coups et blessures volontaires tous les jours en France (+ 21 % en trois ans). La France est le 2e pays européen sur 27 pour le nombre d’agressions ramené à la population selon Eurostat.

L’année dernière, il y a eu tous les jours en moyenne plus de 100 violences contre des dépositaires de l’autorité publique (les forces de sécurité intérieure, les douaniers, les gardiens de prison…). C’est un niveau sans précédent après une hausse de + 21 % en trois ans.

Alors que la police et la gendarmerie sont sur une pente de paupérisation (bâtons de défense, menottes, gilets pare-balles, matériel informatique etc. sont manquants ou obsolètes), le gouvernement a baissé cette année de 6 % le budget d’équipement des forces de l’ordre.

De tels attroupements non déclarés, de surcroît en plein état d’urgence sanitaire, sont illégaux. Il est ahurissant que l’on doive rappeler au ministre de l’Intérieur que sa première mission est de faire appliquer la loi. En estimant que l’émotion prime la loi, Christophe Castaner met gravement en danger l’ordre public. Ses propos sont indignes d’un ministre de l’Intérieur. En République, la force doit rester à la loi.

Que des militants d’extrême-gauche, prétendument « antiracistes », incitent à la haine anti-flics jusqu’à se livrer à des attaques racistes contre des policiers, est inacceptable. S’il est indispensable de lutter contre toutes les formes de racisme où qu’elles sévissent, il est inacceptable d’accuser l’État et les forces de l’ordre de racisme « systémique » ou « institutionnel ». Tout dérapage, toute bavure, appelle une enquête de l’IGPN et des sanctions, mais dire qu’il y a « des violences policières » est un amalgame absurde entre la police américaine et la police nationale française qui sont très différentes ainsi qu’un appel à la haine générale des policiers et des gendarmes. Les actes inadmissibles de quelques individus ne sauraient entacher le travail remarquable de l’immense majorité de ceux qui consacrent leur vie à protéger la nôtre.

À l’heure où certains jettent l’opprobre sur nos forces de l’ordre, je leur réaffirme mon total soutien. je déplore le silence assourdissant du président de la République : pas un mot pour défendre les forces de l’ordre, alors qu’elles sont insultées et attaquées dans leur honneur. Le régalien est l’angle mort du gouvernement ; il faut en faire une une priorité : pour atteindre 1% du PIB, il faut massivement augmenter les dépenses pour la sécurité des Français en débloquant 5 milliards d’euros pour mieux équiper nos policiers et gendarmes.

Max Brisson
Sénateur des Pyrénées-Atlantiques

3 commentaires sur “Violences policières ?

  1. Il est bon de rappeler les faits. Le meurtre de l’Américain le 26 mai 2020 aux USA ne peut pas être comparé au décès de Monsieur Traoré, il y a quatre ans. Les quatre policiers impliqués dans le meurtre sont devenus des prévenus. Les trois gendarmes- dont deux Antillais selon le Figaro- n’ont fait que leur travail qui consistait à tenter d’ interpeler une personne qui s’est tout le temps rebellé contre l’autorité publique.

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  2. Il est bien sûr excessif et maladroit de comparer le racisme endémique et latent de nos amis américains , qui en sont souvent restés à l’époque des pionniers et des conquistadors , avec le racisme culturel , discret et administratif de notre beau pays … Il est également de mauvais ton pour un « politique » comme Max Brisson , pour lequel la réélection sénatoriale ne peut s’accommoder que d’une « neutralité bienveillante » voire d’un « tout le monde il est beau tout le monde il est gentil » , de reconnaître que nous ne vivons pas chez les « bisounours » et que s’il y a si peu de noirs ou de maghrébins dans notre ville , et dans le pays basque nord en général , ce n’est pas seulement parce qu’ils ne supportent pas l’air marin et le piment d’Espelette … Je n’ai jamais été policier , en revanche j’ai travaillé pendant 35 ans dans le Service Public de l’emploi et je peux affirmer , preuves à l’appui , que cette tendance à la discrimination , ou ce racisme « à la française » a été la toile de fond de mon vécu , que ce soit comme Conseiller Professionnel , Directeur d’Agence Locale ou Juriste chargé des dossiers contentieux pour le Grand Sud Ouest (Bordeaux , Toulouse , Limoges , Poitiers) , et que la présence constante de ce risque de dérapage raciste a donné lieu à diverses péripéties juridiques allant de la saisine du Tribunal civil au travers du MRAP ou des affrontements directs avec une DG lointaine et volontairement aveugle . Cette réalité s’excusait souvent en termes « professionnels » par la demande des employeurs qui nous sollicitaient et dont les souhaits les plus divers devaient être respectés au risque de perdre la « clientèle » qui justifiait notre existence.. mais elle était aussi reprise par un nombre non négligeable d’agents de l’Etat assurés d’une impunité que leur garantissaient une Direction Générale pusillanime et des Tribunaux qui n’allaient jamais très loin dans la critique d’une administration … Sans avoir la violence de la discrimination sauvage de nos amis des USA cette discrimination larvée , insidieuse , hypocrite …en un mot « administrative » … a pu tuer , sans bruit et sans coupable identifié , aussi sûrement que celle des policiers américains …. Mais en France ce que l’on ne voit pas au grand jour ne saurait bien sûr exister …!

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  3. Bonjour,

    Alors que la mode est à l’invective sur les réseaux sociaux, je n’ai nullement l’intention de contester le fond le l’intervention de Monsieur Max Brisson dans ce blog de haute tenue. Juste apporter mon témoignage de provincial ayant vécu quatre décennies à Paris sans en tirer de conclusion définitive.

    Comme Philippe Labarrère, j’estime qu’il est maladroit de comparer la mort de George Floyd et celle d’Adama Traoré.
    De la même façon, quelqu’un qui vit au Pays basque où la police manifeste presque toujours une courtoisie fort républicaine peut douter de ce que je raconte. Mais à Paris comme joueur de rugby, comme manifestant, comme journaliste et comme usager des transports en commun, j’ai souvent vécu quelque chose qui ressemble à un  » racisme  » policier, ce qui montre bien que ce n’est pas tout à fait un épiphénomène.
    Je crois que le gros problème de la police française réside dans la possibilité de faire des contrôles « au feeling », car au final ces contrôles visent toujours les mêmes et créent des ressentiments durables.

    À Paris, si vous êtes blanc et correctement vêtu, vous ne serez jamais contrôlé. Si vous êtes d’origine africaine ou maghrébine, même correctement vêtu, vous serez sans cesse contrôlé. Et je comprends la lassitude de tous ceux qui en ont marre d’être A PRIORI considérés comme suspects aux yeux des policiers.
    Quand je jouais au rugby, un de nos avants était Africain. Si nous faisions une troisième mi-temps tardive, il était le seul à être contrôlé. J’ai vécu la même chose dans la presse avec un ami Togolais. Quand nous rentrions à pas d’heure d’un bouclage, il se faisait arrêter et pas moi. Je demandais à la police pourquoi je n’étais pas contrôlé. Et on me demandait de circuler, sans m’apporter la moindre explication valable… et sans me contrôler. Comme journaliste, j’ai vu à plusieurs reprises des CRS fondre sur des manifestants en « ciblant » le noir ou le maghrébin de service, suspect forcément suspect. Et pour avoir pris pendant dix ans, le RER Versailles-Paris, je peux certifier que presque à chaque fois, quand la police des transports montait dans un wagon, elle fonçait droit sur celui qui était « différent ».

    Bien sûr, il faut se garder de toute généralité hâtive. J’ai eu la chance au « Canard enchaîné » de discuter avec des policiers remarquables, républicains et patriotes. J’estime que c’est le rôle du sénateur Max Brisson et des autres parlementaires de décider où doit se situer la ligne jaune à ne pas franchir, aussi bien du côté des citoyens que des policiers. En l’état actuel, sans faire tout à fait mien le sketch de Coluche sur la police, j’ai le sentiment qu’une trop grande permissivité règne du côté des hommes en uniforme et qu’elle exacerbe les tensions. L’IGPN, la police des polices, semble à chaque fois uniquement préoccupée de « blanchir » le fonctionnaire de police mis en cause et les syndicats de police ont souvent micro ouvert dans les chaînes d’information continue, tandis que la parole de ceux qui se ressentent comme victimes est souvent réduite à la portion congrue.
    Pour moi, un grand pays est un pays qui aime sa police et c’est ce que je souhaite à la France. Mais force est de constater que les jeunes ont le sentiment d’être particulièrement ciblés. Si rien ne change je ne vois vraiment pas comment en région parisienne une réconciliation pourrait s’opérer.

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