Un ami dont l’agence immobilière avait pignon sur la place Clemenceau, me conseilla, il y a une dizaine d’années, d’investir en Croatie : « le tourisme décolle, dans quelques années ce sera de la folie ». N’étant pas aventureux en la matière, je m’abstins de déposer mes maigres économies en terre lointaine.

Dubrovnik, porte Pile – Capture Google
Quelques années plus tard, articles et reportages me montrèrent qu’il avait vu juste : Dubrovnik était devenue la pire destination de l’Adriatique, belle à attirer les visiteurs, mais bien trop petite pour absorber les milliers de touristes que des cargos de croisière venaient quotidiennement dégueuler dans son port. La Perle de l’Adriatique se serait-elle définitivement dérobée à nous ?
C’était compter sans ce covid1. Où, dans ces conditions, aller reprendre son souffle quelques jours ? Dubrovnik était évidemment à tenter : Pierre revenait de Croatie où il n’avait pas croisé un chat, masqué de surcroît, le pays étant peu touché par l’angoisse collective, mais, surtout, étant déserté par les croisiéristes de tout poil.

La ville ancienne est petite, cernée de vastes et superbes remparts. Une rue, Placa, en est le cœur. Rendue à ses habitants, elle dévoile une merveilleuse harmonie Renaissance à laquelle l’Italie toute proche n’est pas étrangère. C’est un pur bonheur d’y flâner quelque temps, entouré de Croates redevenus aimables, épuisés sont-ils habituellement de ne plus pouvoir circuler dans leur propre ville ni même sortir de chez eux.
La tranquillité a son revers quand on a tout misé sur cette masse et qu’elle vient à se tarir. Le commerce n’y est plus guère que de souvenirs made in China que des Chinois agités achètent en courant dix fois le prix qu’ils trouveraient en sortie d’usine. Les vitrines sont closes et les terrasses désespérément vides ; les moyens d’attirer le chaland, bien dérisoires. J’ai alors songé à mon ailleurs atlantique, lui aussi menacé physiquement du sur-tourisme et économiquement de son arrêt brutal. S’il devait être démontré que quand il y a sur-quelque chose alors il y a quelque chose de trop, c’est fait.

Mais c’est tout agrément pour le rare visiteur : rester sereinement de longues heures sur une terrasse au pied du Palais du Recteur, Palais des Doges miniature, en face de cet autre palais gothique qu’est le Palača Sponza, regarder de jeunes ados jouer au foot dans un joyeux vacarme, ayant fait des colonnes du palais leur cage de but, est un plaisir et une détente devenus rares : « ils étaient en finale du Mondial ? » me demandera Nathalie qui eut toujours l’art de la formule : « merci l’Unesco ».

Prudente, soucieuse de préserver commerce, économie et santé de ses citoyens, la Ville-État échappa aux ravages de la pandémie du XVIIe siècle par des mesures draconiennes de confinement de tous ceux qui quittaient son enceinte et par la mise en quarantaine systématique, dans des lazarets extérieurs aux remparts, de quiconque avait commercé avec le tout proche étranger. Alors que les peuples européens étaient plus que décimés par la peste, Dubrovnik perdit quinze des siens.
1 Je choisis de le masculiniser puisque l’usage prime la règle.
Sur l’album souvenir








Sur le chemin du retour
Hélas il faut bien rentrer. L’étape à l’exposition Les Corps et les Âmes, sur la sculpture de la Renaissance italienne au Louvre, s’impose. Mais elle n’est pas notre sujet. Dans le passage traversant l’Aile Richelieu, entre le Palais royal et la Pyramide, une immense baie vitrée révèle un spectacle saisissant, par sa beauté en lui-même, par les superbes sculptures qu’il offre au regard passant et par l’extraordinaire désert que seule la période peut générer dans le plus grand et peut-être plus beau musée du monde : les Chevaux de Marly dans leur Cour, seulement traversée de cinq collégiens en goguette. Quelle splendeur ! Quelle chance eux et nous avons partagée !

Merci pour votre acceptationEnvoyé de mon Galaxy S8+ Orange
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« Puisses-tu longtemps encore accueillir les voyageurs riches ou pauvres que le surmenage affaiblit, que les soucis rongent, et que le découragement atteint ». Attribué à Joseph Petit.
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