Les bombes de la culture – 1

On a eu l’occasion, à plusieurs reprises dans ces pages, ici et , d’évoquer ce que pourrait être une politique culturelle. En toute immodestie, on ne peut qu’inviter à relire ces réflexions.

Commençons par ce “marqueur fort” qu’est la danse, on viendra ensuite à l’interview de l’adjointe à la culture et de son directeur puis on dira deux mots des conclusions de l’audit.
Notons tout de même en premier lieu, à l’attention de Madame le Maire et de son adjointe, que la danse n’est pas un marqueur de politique culturelle, elle est un choix artistique. Ce n’est pas qu’une question de mots ni de détail, c’est absolument fondamental.

La danse

Le choix de la discipline artistique, fut fait par l’exécutif municipal de naguère. Il y a là une part d’arbitraire qui peut relever de goûts ou sentiments forts. Il s’agit ici d’une certaine nostalgie des Ballets du Marquis de Cuevas chez celui qui allait devenir adjoint à la culture. C’est un peu passéiste, mais pourquoi pas ?

Le projet artistique doit précéder la conception des lieux afin qu’ils lui soient adaptés, un auditorium n’étant pas un théâtre. Une fois réalisés, ils pourront accueillir les spectacles. Ainsi inaugura-t-on en 1993 la rénovation (imparfaite) du théâtre du Casino, la Gare du Midi ayant été ouverte dès l’hiver 1991. Le Temps d’Aimer la Danse pouvait voir le jour. 

petit montage à partir de l’affiche de saison

Dans le même temps, la Ville se démena pour obtenir de l’État un Centre chorégraphique national (CCN). Pour le diriger et l’installer dans le paysage artistique biarrot, le choix du directeur de la compagnie Temps Présent, Thierry Malandain fut pertinent : son style néo-classique correspond à la ville. Le Malandain Ballet Biarritz conquit vite son public grâce aux judicieuses corrélations du festival et de la compagnie. 
Ces choix artistiques étaient de grandes orientations. Elles furent complétées d’une saison de spectacles, de l’installation à Biarritz des classes de danse du Conservatoire, de la création d’un bac artistique-section danse au Lycée Malraux due à l’intelligente obstination de son proviseur d’alors et, enfin, de la construction d’infrastructures d’accueil de cours et écoles de danse au quartier Kleber. Tout cela relevait d’une grande cohérence.
Il y manqua ce qui ferait une vraie politique culturelle : les actions visant à la démocratisation des activités et pratiques artistiques. Multiplier le nombre de spectateurs n’est pas de l’action culturelle tant qu’en bénéficient toujours les mêmes catégories sociales. L’action culturelle, c’est aller chercher les publics empêchés par l’éloignement, par l’économie et par la barrière sociale, peut-être l’obstacle le plus grand. Qu’on ne me dise pas que j’ai un raisonnement de gauche ; il n’y a pas de politique culturelle de droite ou de gauche : il y a une politique culturelle ou il n’y en a pas.
Et il n’y a pas de politique culturelle tant qu’il n’y a pas d’action culturelle. On ne peut ici développer les aspects nombreux, créateurs et protéiformes que peut prendre une action culturelle. Ce serait trop long. Et puis… on n’est pas adjoint à la culture !

L’interview

Sud-Ouest Pays basque et Madame Raphaëlle Gourin ont consacré une très intéressante double page, le 7 décembre, à une interview de l’adjointe à la culture, Madame Pinatel et de son directeur, Monsieur Bardiaux. On s’est toujours imposé, ici, un devoir : ne jamais mettre en cause les fonctionnaires. Mais puisque Monsieur Bardiaux s’expose lui-même, on est bien obligé de parler de lui. Cette interview est consternante car elle ne parle que de budget, de finances et de dépenses trop importantes : on nous prépare un sérieux serrage de vis. 
Elle est consternante encore car elle n’est que négative. Où sont les pistes ? Les objectifs ? Les grandes lignes ? On nous dit juste qu’on va y penser.

Le directeur de la culture doit être force de proposition, montrer qu’une action culturelle est une nécessité, en donner les axes, impulser, coordonner, convaincre son élu qu’il voit juste et qu’il lui incombe de rechercher les financements pour ce faire. Or on lit atterré : « après, on le sait, d’une manière générale, la culture, ce n’est pas rentable ». Soufflé, on est soufflé et abattu par une telle sottise. Le type scie la branche sur laquelle il est assis. D’abord, sur un plan exclusivement financier, justement, on ne le sait pas ! L’art a un coût mais aussi des retombées et aucune étude n’est jamais parvenue à en faire la balance. Mais, surtout, Monsieur le Directeur, contribuer à façonner des citoyens éclairés, ce n’est pas rentable ? Contribuer à l’atténuation des inégalités par l’accès au savoir, à la réflexion et à l’émotion, ce n’est pas rentable ? C’est votre rôle ! Amener les opérateurs, même privés, à des politiques tarifaires attractives, à construire des abonnements adaptés où le ludique côtoiera l’appel à la réflexion ; les réunir autour d’une table pour que chacun prenne ses responsabilités dans le domaine qui est le sien afin de les amener aux vues qui sont les vôtres, et donc à celles de la Ville ; voilà votre rôle. Qui êtes-vous, d’où venez-vous, qu’avez-vous fait, que savez-vous de l’art, que connaissez-vous de l’action culturelle pour oser sortir pareille ineptie ?  



Quant à l’adjointe à la culture, Madame Pinatel, entre « il faudra faire aussi bien avec moins » et « on ne va pas jeter le bébé avec l’eau du bain », tout est dit.


L’audit

De l’audit on aimerait savoir un peu plus et en premier lieu qui est son auteur. Et quel fut son cahier des charges, les questions qui lui étaient posées. Car un audit peut porter sur beaucoup d’éléments, pas que financiers et ce n’est, hélas, que ce qui paraît. Cependant, on ne sait que ce que Madame Gourin rapporte. Quelle que soit la confiance qu’on lui accorde, on n’écrit ici que sous toutes réserves.
Quelques points importants semblent avoir échappé à notre duo :
– « Le temps est venu d’avoir une réflexion de fond ». Tiens…!
– Pourquoi s’étonner que le service culturel ne gère que 1/5e du budget de la culture ? Ce n’est pas un critère, ça. Le service culturel n’est pas un opérateur. Est-ce à lui de gérer en direct l’Atabal ? La médiathèque ? Biarritz Culture ? Le CCN ? Le Théâtre du Versant (Rabas existe !!) et tant d’autres ? Eux, sont des opérateurs. Le service doit avoir des exigences à leur égard et les convaincre de la pertinence des objectifs auxquels ils doivent participer. 
Madame Gourin continue :
– « Au rang des pistes à suivre il y a aussi : renforcer la place du Basque » : une telle considération n’a rien à faire dans un audit : c’est une décision exclusivement politique.
– « Amener la culture hors les murs, à tous les publics et dans tous les quartiers ». Ah ! Enfin une piste réelle à laquelle il faut une réponse simple : comment. 
– « L’audit préconise en conclusion : “finir le chapitre des 30 dernières années et écrire l’avenir” ». Malgré la facilité de la réflexion et son approximation (il ne s’agit pas de 30 mais de 15 ans), les années 1993 à 2008 ont donné l’architecture, posé de solides fondations sur lesquelles désormais s’appuyer pour bâtir. Pas démolir. C’est la seule traduction admissible de ce « écrire l’avenir ».

On a déjà été trop long et pourtant, tellement de choses seraient encore à dire. On réserve pour demain, vendredi, le curieux détail Atabal abordé par Madame le Maire en fin du dernier Conseil municipal.

5 commentaires sur “Les bombes de la culture – 1

  1. H.Hamel ,Jacques Saury ne connaît pas le sujet:

    L’Atabal est un Epic, son budget est donc indépendant de la ville.
    La structure dispose d’un budget d’un million deux (et non un million cinq comme il le dit dans son article), la subvention annuelle de la ville est de 275000 euros. C’est bien la deuxième somme qui est à intégrer au budget culture de la ville et non le budget total. Sa démonstration est donc caduque.
    L’Atabal est plus qu’exemplaire dans sa gestion puisque François Maton a réussi à lui faire atteindre un taux d’autofinancement sans comparaison avec les autres SMAC du territoire national.
    Ce dernier défend un projet de développement et de pérennisation de la structure qui nécessite toute la volonté politique possible, à commencer par l’intégration à la culture pour être en phase avec l’Etat, la Drac, la region et le department et l’Agglo. Le but étant soutenir les demandes d’investissement auprès de ces autres financeurs de la structure.
    De Thomas Habas

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    1. vous avez raison pour le 1,2 million : 1 260 824. Pour le reste, ne dites pas que je ne connais pas le sujet. c’est un budget « indépendant » est une grosse bêtise : c’est un budget annexe. Et… n’est-ce pas Madame le Maire elle-même qui dit qu’elle va rapatrier l’Atabal de la jeunesse à la culture ? Elle parlait des bâtiments ?

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