Madame le Maire lance le bal
Quand arrive une annonce en toute fin de réunion, au détour d’un sujet anodin, que tout le monde est fatigué et commence à avoir faim, ça n’annonce rien de bon. C’est ce qui s’est passé au Conseil municipal du 18 novembre dernier après 2 heures 21 minutes et 33 secondes de débat. Déclaration du maire qu’il convient de citer in extenso pour qu’on en comprenne bien la portée :
« La danse, en terme de culture, doit rester un marqueur, un marqueur très fort, nous avons le centre de musiques actuelles, l’Atabal, qui était dans le giron de la jeunesse, précédemment, et que nous avons rapatrié au sein de la culture. Nous avons réalisé un audit qui a pu démontrer que la ville de Biarritz, en termes de budget, avait des dépenses par habitant, qui étaient parmi les plus élevées, en France, donc il y a une très forte vocation culturelle. Il nous semble cependant, qu’il n’y a pas de véritable politique culturelle, il y a un soupoudrage [sic] qualitatif, certes, mais qui est plus orienté vers une politique d’animation qu’une véritable politique culturelle et nous nous proposons, j’allais dire, nous nous proposions, malheureusement l’installation, enfin, le confinement, ne remet pas en cause, mais en tout cas retarde la mise en place d’un certain nombre de nos décisions dont tout le processus de mise en place de démocratie participative pour lequel nous avons voté la charte et, dans ces actions, concernant l’écriture de la politique culturelle, nous avons pour ambition d’écrire la politique culturelle de la Ville avec les acteurs culturels et donc d’élargir au-delà du simple cercle politique, quelle doit être la politique de la ville, avec quel objectif, et avec quels moyens. Donc la danse restera un marqueur, la musique aussi bien évidemment, la lecture aussi, certainement. Comment continuer, comment amener les plus jeunes, et les moins jeunes aussi, à la lecture ? Donc voilà, des envies, des projets, nous en avons beaucoup, mais ce qui manque véritablement, c’est l’ossature : quelle politique culturelle au service de la ville de Biarritz ? »
Merci pour la question.
L’Atabal tangue
La ficelle est grosse. De cet exposé au futur décomposé d’un français recomposé, un seul message : le budget de l’Atabal passe de la jeunesse à la culture. Tiens, donc. Pourquoi ?
Quand il s’agit du premier sujet à avoir bénéficié d’une large exposition médiatique, on est encore plus aux aguets. Tout cela prépare les foules à un hold-up de plus. Le budget 2019 de l’Atabal s’équilibrait à un peu plus d’1,5 million euros, subvention municipale comprise. Quand cet ensemble s’inscrira au budget de la culture, ce dernier augmentera donc mécaniquement d’un peu moins d’un million sur 4,5, soit un peu plus de 22 %.
Quand on nous dira que le budget de la culture n’a pas diminué, et je tiens le pari qu’il nous faudra l’entendre, il faudra comprendre qu’il aura diminué de l’équivalent de celui de l’Atabal : excusez du peu ! Qu’aucun de nous n’oublie cela quand seront présentés les budgets.
Lors de l’inauguration de l’Atabal, un aréopage de représentants de collectivités l’ayant financé se succéda au micro pour vanter les mérites d’un établissement culturel de ce type. Un seul, le dernier et pas le moindre, le maire de Biarritz, ne prononça pas une seule fois le mot culture : il parla d’importance pour la jeunesse, de rôle social et d’animation. Il avait tout compris. Les concerts, les animations, l’aide à l’innovation, les studios de répétition, les cours adaptés aux instruments amplifiés, tout cela relève de l’animation pour les jeunes. Peut-être n’est-ce pas une coïncidence que l’Atabal voisine avec un skate park ?
Et Biarritz Culture valse
Raphaëlle Gourin est décidément la messagère de toutes les nouvelles culturelles, et pas que des bonnes1. Après Zigor qui remet le couvert l’été prochain puis les coupes budgétaires, Biarritz Culture est sur la sellette. Je n’irai pas par quatre chemins : la structure associative est la seule aujourd’hui adaptée à Biarritz pour porter ses projets que je ne détaille pas, Madame Gourin le fait. On commence d’abord par fixer des objectifs artistiques, d’action, de rayonnement, puis on décide de la structure porteuse la plus adéquate2. Commencer par vider Biarritz Culture de son contenu pour l’internaliser est une erreur grossière. Et si c’est pour se séparer des salariés de l’association, Madame le Maire n’y parviendra pas car la collectivité qui reprend les activités d’une association est obligée d’en reprendre les salariés aux mêmes conditions de situation et de leur convention collective (de mémoire : Arrêt du Conseil d’Etat dit “Commune de Théoule-sur-Mer” dont on a oublié la date).
Ce qui est important, c’est ce à quoi on nous prépare depuis quelques semaines, la culture comme variable d’ajustement de déséquilibres financiers à venir. Ou la culture comme une patate chaude dont on ne saurait que faire ?
Madame le Maire, Madame l’adjointe, Monsieur le Directeur, vous considérez la culture par ce qu’elle a de plus visible, la danse. Elle prend une part prépondérante dans le spectacle vivant, certes. Mais le spectacle ne fait pas toute la politique culturelle de la ville.
Les autres en déambulateur ?
Les grands équipements qu’évoque Madame le Maire tout en les oubliant, sont ceux installés aux Rocailles : la médiathèque dont on ne cesse de vanter les interventions nombreuses et de haute qualité, l’école des Arts, le conservatoire de Musique et de Danse, le BTS Audiovisuel, le BTS Photo. La conjugaison de ces outils de haute valeur crée un pôle image qui est un engagement pour l’avenir : la formation qualitative des plus jeunes à la lecture, l’apprentissage des mots, l’expression par l’art, l’interprétation de l’image. Ils sont structurants parce qu’ils sont permanents. N’est-ce pas eux que l’on doit mettre en avant quand on veut être attractif pour les familles, surtout en cœur de ville ? Le logement est important mais il ne fait pas société. Et l’Homme est un animal grégaire : il va où sont ses congénères. Et où ses congénères se sentent bien. Madame le Maire, en dehors de la médiathèque, ce n’est pas la ville qui assure le fonctionnement de ces structures : elles ne lui coûtent rien. « Faire aussi bien avec moins », décidément… Eh bien, Madame le Maire, vous avez avec tous ceux-là, la possibilité de faire mieux avec… rien ! Ça n’était pas bien vu ? Cette politique de l’image fut complétée par les grandes expositions et la politique d’acquisition d’œuvres participant au patrimoine artistique de la Ville. A ceux que l’on vient de citer, on ajoute évidemment le Théâtre du Versant et ses innombrables actions formatrices aux arts de la scène, de la voix et du texte. L’excellent Gaël Rabas est aujourd’hui sous-exploité à Biarritz.
Comme on écrit vite, puisque le papier de Madame Gourin est de ce matin, on en oublie peut-être. Pas trop, on espère.
On veut encore insister sur le fondement même d’une politique des arts et de la culture : la solide formation des plus jeunes, leur ouverture d’esprit, cette possibilité offerte de penser par eux-mêmes qu’aucun enseignement ordinaire ne parviendra jamais qu’imparfaitement à leur offrir.
Madame le Maire,
Comme moi, vous avez des enfants. Quand ils ont émis leur premier babillage, nous leur avons dit « c’est bien ». Quand ils ont fait leurs premiers pas, nous leur avons dit « c’est bien ». Quand ils ont rapporté de bonnes notes, nous leur avons dit « c’est bien ». Mais le jour où ils nous ont chanté leur première mélodie, le jour où ils nous ont montré leur premier dessin, nous avons pu leur dire, et pour la première fois, « c’est beau ». Et c’était beau parce que ce n’était plus la simple reproduction d’une consigne, c’était beau parce que c’était leur production propre que nul, pas même eux, ne pourrait jamais reproduire à l’identique : ils étaient allés, involontairement, à l’essence même de l’art.
1 Sud-Ouest Pays basque, de ce vendredi 18 décembre 2020, page 20
2 Il en existe d’autres, l’EPCC, par exemple, mais ça se travaille en plus de 3 mois et ça se négocie !
Bonjour Jacques,
Tu en as sans doute conscience mais tu es en train de faire un boulot remarquable sur Biarritz. Tu ne contentes pas d’impressions, comme le font la majorité des stakhanovistes des réseaux sociaux, mais tu alignes les faits, les mets en perspective et apporte des explications.
J’avoue que la petite manoeuvre autour de l’Atabal m’avait totalement échappé. BIarritz a de la chance d’avoir des citoyens vigilants prêts à passer beaucoup de temps pour décoder ce qui se passe. C’est l’idée même que je me fais de la citoyenneté, car nous ne serons jamais trop nombreux à envoyer des signaux aux élus et à leur faire savoir que nous suivons de près ce qu’ils font.
Jean-Yves Viollier / Bisque, Bisque, Basque !
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Merci Jean-Yves. Je reconnais y consacrer de l’énergie. Du temps ? Entre la lecture de l’article de Raphaëlle Gourin et la publi du mien : 3 heures. Chaudes-bouillantes dans la p’tit’tête de l’auteur, je te l’accorde. Moi, maintenant, c’est vacances pour qqs semaines. Je te passe le relais dès la fin des Orientations budgétaires
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No my comment?
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lequel ? Il n’y a rien…
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Jacques Saury ne connaît pas le sujet:
De thomas Habas.
L’Atabal est un Epic, son budget est donc indépendant de la ville.
La structure dispose d’un budget d’un million deux (et non un million cinq comme il le dit dans son article), la subvention annuelle de la ville est de 275000 euros. C’est bien la deuxième somme qui est à intégrer au budget culture de la ville et non le budget total. Sa démonstration est donc caduque.
L’Atabal est plus qu’exemplaire dans sa gestion puisque François Maton a réussi à lui faire atteindre un taux d’autofinancement sans comparaison avec les autres SMAC du territoire national.
Ce dernier défend un projet de développement et de pérennisation de la structure qui nécessite toute la volonté politique possible, à commencer par l’intégration à la culture pour être en phase avec l’Etat, la Drac, la region et le department et l’Agglo. Le but étant soutenir les demandes d’investissement auprès de ces autres financeurs de la structure.
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vous avez raison pour le 1,2 million : 1 260 824. Pour le reste, ne dites pas que je ne connais pas le sujet. Dire que c’est un budget « indépendant » est une grosse bêtise : c’est un budget annexe. Et… n’est-ce pas Madame le Maire elle-même qui dit qu’elle va rapatrier l’Atabal de la jeunesse à la culture ?
Est-ce que je ne lis pas « c’est la deuxième somme qui est à intégrer au budget culture de la ville et non le budget total. Sa démonstration est donc caduque« … Je ne comprends plus… Monsieur Habas dit très exactement la même chose que moi, y compris sur le million (cette deuxième somme)…
Quant à la haute qualité de la structure, je ne cesse de le dire dans ces pages.
Bref… J’ai quelque considération pour Habas qui est un garçon sympa. Mais s’il conseille madame le Maire de cette manière, on est mal barré
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Non on ne dit pas p même chose:
l’Atabal coûte 275000 euros au budget principal de la ville soit pas des masses sur le budget total alloué à la culture (pas plus de 7%)… indépendant c’était pour que les gens comprennent… je n’ai pas la prétention de paraître pour un expert de votre calibre je désire juste être compris… la seule chose c’est qu’intégrer l’Atabal à la culture c’est avant tout une reconnaissance essentielle pour mettre de la volonté politique au service du développement d’une structure qui reposait essentiellement jusque là sur les épaules de son directeur et de son équipe.
C’est aussi par respect pour les artistes qui s’y produisent. Mais peut-être considérez vous que ça ne le mérite pas; dans ce cas là c’est d’un mépris évident…
allouer 275000 euros supplémentaires dans les dépenses de la culture n’est pas une manœuvre pour maquiller du cost killing. Quelqu’un peut il penser que nous sommes capables d’amalgamer dans un calcul “savant” un budget total annexe d’Epic avec le budget principal de la commune pour paraître “culture friendly”… soyons sérieux deux minutes, ces temps sont révolus…
Comme apparemment je suis”sympa” laissez moi vous dire la chose suivante:
Soyez sympa vous aussi, la prochaine fois, demandez avant de lever le complot du siècle.
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« indépendant c’était pour que les gens comprennent… » : dire une chose fausse pour que les gens comprennent mieux qu’elle est vraie… C’est quoi ?
Serait-ce du mépris ?
Oui, voyez-vous : j’ose affirmer que toute personne qui joue trois notes n’est pas obligatoirement à nommer artiste. Qu’elle joue à l’Atabal ou dézingue du Beethoven. C’est tout sauf du mépris ; c’est au contraire un immense respect de l’art et des artistes
« C’est avant tout une reconnaissance essentielle pour mettre de la volonté politique au service du développement d’une structure qui reposait essentiellement jusque là sur les épaules de son directeur et de son équipe » : et ça changera quoi ?
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