Passons vite les introductions contextuelles :
- La loi du 11 mars 2005 est fondatrice. Elle reconnaît les différentes sortes de handicaps et confère à toutes les personnes handicapées des droits équivalents à ceux des personnes valides ; pour ce qui nous concerne ici, le droit de l’enfant handicapé à recevoir une instruction semblable à celle de ses camarades.
- 450.000 enfants sont concernés : 385.000 scolarisés en milieu ordinaire et 65.000 en établissements spécialisés.
Ces deux éléments ont des conséquences très importantes.
Notons ensuite deux catégories de handicaps car il n’y a pas le handicap, mais des handicaps et surtout, des personnes handicapées. Les handicaps physiques, moteurs ou sensoriels, sans conséquence cognitive, ne peuvent être abordés de la même manière que les handicaps psychiques, mentaux, dys voire comportementaux1 qui, tous, ont des conséquences sur les capacités cognitives des enfants.
Distinguer les difficultés

L’inclusion scolaire des enfants handicapés physiques est relativement aisée à partir du moment où les équipements sont accessibles. Collèges, lycées et transports scolaires le sont peu à peu devenus même si beaucoup de conseils départementaux et régionaux y sont venus tardivement. La proximité des collectivités avec leur public a montré que des volontés fortes pouvaient faire progresser vite. La Région Aquitaine a, par exemple, engagé de lourds travaux de transformation des lycées tels que tous sont désormais accessibles et ce, depuis une dizaine d’années.
Le traitement de l’inclusion scolaire des enfants à handicaps cognitifs est de toute autre nature et autrement complexe car il touche non plus des équipements, mais l’organisation même d’une scolarité adaptée à l’évolution naturelle de l’enfant, à sa croissance et adaptée à l’évolution de son handicap qui est rarement naturellement favorable. Et il n’y aura jamais deux évolutions identiques.
Cette complexité trouve d’autres sources : dans la psychologie des enfants eux-mêmes, de leurs parents et de leurs camarades. Le premier élément à prendre en compte est le choc et la difficulté d’apprendre que son enfant aura un handicap cognitif. Choc qui se reproduira chaque fois que l’enfant aura à aborder une nouvelle étape de vie et d’activités nouvelles : en sera-t-il capable ? Comment se comportera-t-il ? Comment le regarderont ses camarades et les adultes qui en auront la charge ? Questions qui ne se posent pas sans angoisses et ne concernent pas que l’école, mais toute nouvelle activité, chacune étant un nouveau défi : le sport, aller chercher du pain au coin de la rue, jouer en groupe etc. On ne veut pas présenter tous les obstacles ; on veut juste faire comprendre que chaque sujet est source d’angoisse renouvelée pour parents et enfants. On n’imagine pas l’épuisement physique, moral et mental de certains parents à qui aucun répit n’est jamais permis. Plus l’enfant grandit, plus grandit leur désir, hélas souvent déçu, de voir leur enfant devenir comme les autres.
Cette école, conçue pour tous, ne le fut pas pour chacun. C’est là que le bât blesse ; et amène le désir et le terme même d’inclusion scolaire.
De fausses solutions
Ce sont le plus souvent les parents qui exigent l’inclusion en milieu ordinaire. Malheureusement, les exceptions à l’échec de l’inclusion sont rares. Les profs et instits en portent parfois la responsabilité, le système sans doute. Mais surtout, l’enfant est intraitable avec son semblable plus faible. Moqueries, harcèlements, coups, mise à l’écart font de la scolarité de certains un véritable supplice. Les enfants à handicaps cognitifs sont souvent rejetés par leurs camarades, l’école devient alors un lieu de souffrance qui obère tout progrès.
De plus, l’enfant a souvent tendance, pour échapper à cela et tenter de se valoriser, à aller vers plus faible que lui. Ce qui, évidemment, ne le tirera pas vers le haut.
À côté du milieu ordinaire, il y a les établissements spécialisés. Mais ceux-là sont des établissements médico-sociaux qui ne relèvent pas de l’Éducation nationale ; ce sont des établissements de soins. Il faut, au bénéfice de l’enfant, déconnecter l’éducation-enseignement-instruction du médico-social. Donc une scolarité à l’Éducation nationale, mais dans un milieu adapté. Les CLIS, ULIS et autres classes dans le milieu ordinaire sont les pires solutions ; inadaptées, elles sont le réceptacle de tous ceux dont « on ne sait que faire » dans les classes ordinaires, dont les enfants à problèmes sociaux qui ne relèvent pas des mêmes organisation, pédagogie ni soin.

Passer de l’idéologie au principe de réalité
Ce qu’il faut viser dans un système adapté, bien plus que l’apprentissage de notions et savoirs conceptuels, c’est le bien-être de l’enfant, condition sine qua non de son développement dans des matières ou pratiques qui le valoriseront et où son handicap sera gommé. Si un enfant dyslexique veut être boulanger, c’est peut-être parce que ce métier l’attire, c’est probablement aussi parce qu’il sent bien que cette pratique le dispensera de l’épreuve que sont pour lui lecture et écriture. Qu’on lui apprenne donc l’art de faire du bon pain ! D’autres que lui écriront les étiquettes.
Une mesure concrète serait la création de collèges où seraient regroupés, non pas les enfants handicapés, sinon certains crieraient à la discrimination et à l’ostracisation, mais des enseignants compétents réunis en équipes pédagogiques attentives à chaque enfant parce que particulièrement formées aux différents handicaps, leurs conséquences et leur prise en charge ; et non un pauvre prof par établissement, formé à la va-vite.
Regrouper les compétences
Sur le modèle des internats d’excellence, il faut créer un ou plusieurs internats par département spécialisés dans l’accueil d’enfants handicapés, hors carte scolaire. Les parents accourront y inscrire leurs enfants. Des établissements privés de ce genre existent déjà, où les prises en charge individuelles des enfants à handicap cognitif sont des modèles d’excellence. Le secteur public doit offrir les mêmes services. En outre, de taille raisonnable, ces établissements seraient le collège du secteur, permettant ainsi une saine mixité. L’enfant handicapé n’y serait plus minoritaire, mais deviendrait l’élève ordinaire. Bien loin de handicaper les autres, ce serait extrêmement formateur pour eux, comme chaque fois que l’on côtoie un autre avec sa singularité.
Un autre problème important du système serait assez facilement résolu, c’est celui des AESH, les Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap, trop vite et mal formés. Adieu les emplois à temps ridiculement partiels, les formations à la va-comme-je-te-pousse et le statut précaire. Des titularisations pourraient être envisagées. Le travail au sein d’équipes volontaires et formées mettant fin à leur arrivée au collège comme un cheveu dans la soupe.
Ils pourraient être regroupés dans ces établissements auprès des enseignants spécialisés, ce qui favoriserait l’unicité du lieu de travail, donc l’emploi à temps plein, donc le statut sécurisé, donc la formation continue, donc un travail autrement attractif. Il faut faire de l’AESH un vrai métier avec de vraies perspectives professionnelles.
1 Que nous regroupons ici, par facilité, sous le seul vocable de handicaps cognitifs
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Quelques associations :
ANPEA, Association nationale de parents d’enfants aveugles – https://anpea.asso.fr/
AFM, Association française contre les myopathies – https://www.afm-telethon.fr/association
APF, Association des paralysés de France – https://www.apf-francehandicap.org/
UNAFAM, Union nationale des familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques – https://www.unafam.org/
UNAPEI, Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales – https://www.unapei.org/
FFDys, Fédération française des dys – https://www.ffdys.com/troubles-dys