
Pour comprendre les tenants et aboutissants de tout ce qui relève de l’hôtel du Palais, il faudrait chaque fois en reprendre l’histoire mouvementée. Comme on a déjà fait ce petit exercice, on se permet de renvoyer le lecteur à deux textes de BiarritzMania, le premier où précisément on en reprenait l’histoire et le deuxième où l’on résumait enjeux et risques des décisions de 2018 à son sujet. Hors quelques affirmations péremptoires – « au premier hiver déficitaire, l’hôtel fermera à nouveau ses portes » – on n’y changerait pas grand chose.
Les délibérations de la honte
On se souvient des empoignades verbales des conseils municipaux des 30 juillet et 15 octobre 2018, qui virent des majorités d’opportunité sceller le sort du Palais dans des conditions pitoyables.
La majorité de l’époque éclata en une situation qui fut ultérieurement qualifiée de ces savoureuses formules : « la gaullienne chienlit, la napoléonienne bérézina, le maritime naufrage, la moderne catastrophe industrielle, la pittoresque pétaudière, l’élégante déliquescence, le jeune sbeul, le provençal pastis, le littéraire pandémonium voire le trivial bordel1 ».
Pour saisir l’enjeu du conseil municipal de ce lundi 11 avril 2022, il faut se remémorer les décisions précises de ces deux réunions.
- Celle du 30 juillet cédait à bail emphytéotique de 75 ans la gestion du palace à la société d’économie mixte Socomix.
- Celle du 15 octobre cédait à ladite Socomix le fonds de commerce en échange d’actions de la société à l’occasion d’une augmentation de capital où entrait JCDecaux Holding (JCDH) à hauteur de 33,5 % par un apport en compte courant.
- Ce même 15 octobre 18, le pacte d’associés était modifié et accordait à JCDH une minorité de blocage.
N. B. : JCDH ayant depuis cédé ses parts à une filiale ad hoc, DF Collection, on utilisera plus, à partir d’ici, que DFC
La ville de Biarritz demeurait propriétaire des murs, mais le fonds de commerce en étant dissocié, la superbe valeur de l’ensemble s’effondrait à presque rien : Biarritz ne vendait pas, Biarritz ne gardait pas, Biarritz abandonnait. « Le casse du siècle2 », c’était eux.

Casse auquel ne participa pas Madame Arosteguy, à l’époque virulente opposante, puisqu’elle prononça de très sévères réquisitoires contre ces décisions, avec de savoureuses références, elle aussi : « on a l’impression d’être dans un escape game : si vous trouvez cette énigme, vous pouvez continuer3 » ou, à propos de DFC, « c’est comme Voldemort, on ne prononce pas son nom4 ». Ces conseils étaient tellement tendus qu’on a préféré conserver en mémoire leurs rares moments plaisants.
Des mesures techniques
Si bien qu’on ne peut rendre Madame le Maire de Biarritz de 2020, comptable des erreurs de 2018, même si les décisions actuelles sur le Palais sont peu satisfaisantes. Peu satisfaisantes en elles-mêmes, mais au vu de l’état dans lequel le Palais lui échut, elles sont sans conteste bonnes. On doit avouer qu’on n’espérait pas de négociation si favorable à la Ville.
Ce soir, le conseil municipal prendra cinq décisions à propos du Palais :
- La première, préalable nécessaire à la deuxième, est technique et vise à rendre exigible une créance pour la rendre capitalisable.
- La deuxième est la capitalisation de 2.683.000 € de l’avance en compte courant consentie par la Ville à la Socomix.
- La troisième est la participation en numéraire de 1.670.000 € à l’augmentation de capital de la Socomix.
- La quatrième, conséquence inévitable des deux précédentes, est la nouvelle répartition des parts dans la Socomix.
- La cinquième est une avance de 2.830.000 € en compte courant à la Socomix.

La sixième est une modification au budget de la Ville : l’inscription des 4,5 M€ nécessaires à cette recapitalisation, soit 1.670.000+2.830.000. C’est beaucoup ? Ce serait compter sans la capitalisation du point deux, c’est à dire l’abandon d’une créance de 2,683 millions soit au total un coût de 7.183.000 €. C’est énorme pour une ville moyenne. Ces 2,683 millions étant déjà absorbés par le budget communal, la douloureuse l’est moins.
Et pour lourdes qu’elles soient pour les finances de la Ville et le portefeuille des Biarrots, ces mesures sont inévitables et relèvent de la bonne gestion. Ainsi la Ville garde-t-elle la main sur la Socomix. En début d’année, on reprochait ici même quelque tiédeur sur les investissements à Monsieur l’Adjoint aux finances : peut-être avait-il des arrières-pensées ?
Rester vigilants
Ce soir, Madame le Maire sera en droit d’être satisfaite, la quatrième tranche de travaux est financée. Avec quelques remarques, cependant :
- De méfiance d’abord : on se demande comment et pourquoi DFC a accepté de « remettre au pot » sans compensation ni droit nouveau au pacte d’associés ; c’était inespéré. Les négociateurs ont du talent. Ou DFC de la patience ?
- Ensuite, d’appels à la prudence. Car si rien aujourd’hui ne permet de controverse, qu’en sera-t-il demain ? DFC aura-t-il des exigences non encore formulées ?
- Prudence à nouveau car le pourcentage de la Ville a encore baissé, de 57 % à 55,5 %, quand l’emprise de DFC se fait plus grande, de 36 à 39 %. Les négociateurs auront-ils été imprudents ?
La barrière SEM interdit une trop grande baisse du pourcentage public et la Caisse des Dépôts et Consignations est une poire pour la soif. Or cet hôtel est grand buveur et le contribuable jamais à l’abri des mauvais digestifs.
De radieuses saisons viendront-elles conforter le rattrapage que Madame le Maire semble entamer ?
De pandémie en guerre à nos portes, qui aura les millions nécessaires à une future sécurisation de l’équipement ?
D’embellissement à travaux de mise aux normes, qui aura la capacité d’investir à nouveau dans cinq, dix ou quinze ans ?
Quel événement fâcheux obligerait-il à transformer, par recapitalisation urgente, la Socomix en SA ?
Et qui, alors, n’aurait qu’à se baisser pour ramasser le fonds de commerce… et les murs en prime ?
1 Monsieur Amigorena, conseil municipal du vendredi 8 février 2019
2 Madame Motsch, Sud-Ouest Pays basque du samedi 6 octobre 2018
3 Conseil municipal du lundi 30 juillet 2018
4 Conseil municipal du lundi 15 octobre 2018