Le ministre et le curé

Le mercredi 1^er février, le ministre de l’Intérieur et des Cultes, Monsieur Darmanin, était interrogé dans l’émission C à vous, sur France 5, sur la régularisation des travailleurs clandestins dans les métiers en tension.
Pour que ce soit clair, on met ci-dessous l’extrait vidéo et on en retranscrit ci-après le texte avec trois coupures pour une meilleure compréhension et en ajoutant, dans la même optique, une ponctuation que le discours sous-tend :

Le ministre Darmanin : « Sur le titre de séjour métiers en tension (…) : d’abord, nous réparons des erreurs faits [sic] par d’autres gouvernements. Nous ne disons pas quelqu’un qui arrive irrégulièrement sur le territoire national pourra avoir son titre de séjour. C’est pas le texte de loi que je présente avec Olivier Dussopt. Nous disons quelqu’un qui est là depuis de très nombreuses années sur le territoire national (…), peut être régularisé s’il travaille depuis plus de trois ans sur le territoire national. On le sait tous, dans les restaurants, dans le BTP, dans l’agriculture (…) La restauration ne peut pas fonctionner en France, malheureusement, sans le travail des immigrés, c’est un fait premier ; les médecins : 20 % de nos médecins sont étrangers ; et, pardon de cette provocation, mais je l’ai dit à la représentante du Front national, si je devais virer tous les étrangers qui travaillent en France, il n’y aurait pas beaucoup ou en tout cas moins de curés dans les paroisses en France (…) ».

Le journaliste P. Cohen, fronçant le sourcil : « y’a des médecins clandestins ? Sans titre de séjour ? »

Les médecins sauront gré au journaliste de l’attention qu’il leur porte. Il a raison.
Et les curés…?

On a tenté pendant de longues minutes de suivre le cheminement de la pensée du ministre des cultes l’amenant à cette attaque en règle des ministres du culte, les « curés ». Que peut-il bien se passer dans sa tête pour que le sujet de l’immigration illégale l’amène à parler des prêtres catholiques ?
On doit avouer son échec.

À chaque mot prononcé s’attache un mystère :

• Provocation : d’abord, un ministre ne devrait pas s’y laisser aller. Mais surtout, en quoi, si la chose était avérée, serait-ce de la provocation ? Si l’immigration est illégale, elle l’est pour tous, paroisses comprises.
• Front national : pardon ? Pourquoi ? Les catholiques et leurs « curés » seraient au Front ou Rassemblement national ? Tous ? Le ministre est-il capable de dire combien ? Quel pourcentage ? Dans combien de paroisses ?
  Lui qui fut aux obsèques du pape émérite Benoît a-t-il entendu les mots de François sur l’accueil des migrants ? Ses mots sont-ils ceux du FN ?
• Virer : virer… Quel mot ! Virer. Est-ce que dans un État de droit un ministre « vire » un homme, fût-il immigré clandestin ? Le raccompagner à la frontière ne lui suffit donc pas ?
• Les curés dans les paroisses (primum) : le ministre pratique-t-il les offices et les paroisses au point qu’il sache combien il y en a ? Combien manquent ? Et combien sont étrangers ?
• Les curés dans les paroisses (secundum) : certains prêtres sont étrangers en effet, fidei donum, africains souvent. Sont-ils clandestins ? Arrivés là par quelque filière mafieuse qui les aura détroussés ? Ne sont-ils considérés comme leurs confrères français logés à la même enseigne, celle de leur Église ?
• Les curés dans les paroisses (tertium) : pour être sûr de ne pas écrire de bêtises, on est allé vérifier dans Le grand Robert de la Langue française, vol 2, pp. 908 & 909 (bien que ce dernier soit étiqueté plus à gauche que le Larousse, on voudra bien préserver l’auteur de ces lignes de commentaires sur ses choix en matière de dictionnaire) :
  1. Prêtre catholique placé à la tête d’une paroisse. Est-ce eux que désignait le ministre ?
  2. Familier (emploi souvent péjoratif ou ironique). Prêtre catholique. Ou eux ?

On n’a pas cherché donc on ne sait pas à quelle page figure le mot… Non ! On ne l’écrira pas.

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