Aguilera : vers le fiasco

On a voulu exposer une méthode¹ de conception d’urbanisme tel qu’envisagé à Aguilera. Oh ! Pas pour tenter d’influer sur le cours que la mairie a voulu lui donner, non. Simplement alerter nos lecteurs, qui furent très nombreux, pour qu’ils puissent mieux juger de la méthode employée par la Ville. Méthode qui, même après présentation du projet, reste très vaporeuse. On ne va pas désosser le projet pièce par pièce ; on va juste prendre deux ou trois exemples criants.

La future ex tribune Bendern

Madame le Maire s’était dite attachée à sa conservation. Voyez le schéma ci-dessous, à gauche le projet et à droite la situation actuelle : un bel immeuble hachuré de bleu, « logements/équipements/services/stationnement » aplatit, écrase la tribune.
Adieu jolie tribune Bendern.
On a bien voulu édulcorer la chose en dessinant grossièrement quatre arbres, mais regardez bien, ils sont plantés au milieu de l’avenue Henri-Haget. L’immeuble sera sur la rue, sans aucun retrait. Quant aux arbres…
Les parents venus voir des matchs de jeunes se gèleront sous la pluie. À moins que les nouveaux logés du nouvel immeuble louent leurs balcons, comme pour les fêtes de Pampelune ? Alors il pourront faire double bénéf en louant aussi leur salle de bains. Où iront se doucher et se changer les joueurs ? Échanger à la mi-temps ? À moins que les gais cris et le doux éclairage des entraînements en soirée suffisent à leur bonheur (voyez la photo et les mâts d’éclairage. C’est ça, le logement social, des conditions de vie exécrables) ? On mettra des vestiaires en pied d’immeuble ? La tribune en a, tout à fait restaurables. Ou on gardera les Algeco, charmante et économique perspective à long terme ?

Puisqu’on regarde ce secteur, on ne peut que sourire du beau carré jaune sur la droite, qui sera « un espace public retrouvé », « la placette au niveau de l’arrêt de Tram-bus ». Placette ! Retrouvée ! Nul n’a jamais vu dans cet espace autre chose qu’un vieil arrêt de bus fouetté par la pluie et ouvert à tous les vents sur un carrefour très bruyant : qu’on y ajoute 3 mètres pris sur le terrain Bendern n’y changera rien.

Trois cents logements

Sachant ce qu’on vient de dire pour l’immeuble A ; que C, D et E (schéma ci-dessous) seront de petits immeubles desservis par des impasses, ce qui limitera drastiquement le nombre de logements ou créera d’infinis problèmes, 8 à 10 si on rogne sur l’épaisseur des murs ; et que B contiendra aussi les nouveaux locaux de l’USB gourmande en surface et en technique, un grand parking, des services et… un square. Mais où mettra-t-on trois cents logements ? « Environ trois cents logements », est-il écrit. On commence déjà à sourire de ce « environ ».

Ces logements seront en gros divisés par moitié en social et en libre. Or on nous serine depuis des mois que de 11 % de logements sociaux il faut approcher 25 % imposés par la loi. On n’est pas un grand matheux, mais tout de même : si on ajoute deux moitiés sensiblement égales, la proportion du nombre de logements sociaux par rapport au nombre de résidences principales restera quasiment la même. Pas de quoi renverser la table et Biarritz continuera joyeusement à payer son 1,2 million par an au prix d’un Aguilera défiguré.

Trois cents places de parking

Trois cents ? Pour qui ? Les habitants (pour des raisons compréhensibles de coût, les logement sociaux ont rarement des garages) ? L’USB qui en a furieusement besoin ? Parkings et USB sous les fenêtres des futurs habitants ? L’USB dans un immeuble ? Avec la musique des cours à fond toute la journée jusqu’à l’heure du coucher tous les soirs ? Ce ne seront plus des logements, ce sera un asile. Ils deviendront tous fous, occupants comme utilisateurs !

On imagine très bien le tableau bucolique d’un doux samedi après-midi de printemps : d’heureux locataires du nouvel Aguilera faisant leurs courses paisiblement dans la nouvelle supérette, les places restantes du nouveau parking occupées par de nouveaux chalands extérieurs, tout cela en bonne intelligence, dans un esprit bon enfant, tout va bien. D’autres déambulant gentiment dans les nouvelles allées ou promenant leur enfant dans le nouveau square, tout va toujours très bien car tout le monde adore la musique des cours de salsa et de fitness de l’USB. Finalement, on avait tort de s’inquiéter, les Biarrots sont paisibles et raisonnables.
14 heures 30 : 500 bagnoles déboulent pour le match par le seul accès, la rue Cino-Del Duca, chacune contenant 4 occupants car les Biarrots suivent les conseils de covoiturage, moteurs hurlants, klaxons à fond, mégaphone par la vitre « ALLEEEEEZ B-OOOOOOO », suivis de 8 cars « MONTAUBAN-BAN-BAAAAN », tambours et clairons de rigueur. Et vont se garer… se garer… Se garer ? Mais où ?
Un asile, on vous dit.

Copieuse consultation

Oublions les balades urbaines et les réunions qui furent anecdotiques et non représentatives. En revanche, lundi dernier 27 février, Sud Ouest Pays basque titrait en page 14, « Près de 800 commentaires plutôt critiques ». Huit cents commentaires pour une consultation publique, c’est considérable pour une ville de moins de vingt-cinq mille habitants.
Madame Gourin remontait un peu le moral de Madame le Maire en relevant quelques avis favorables. Il a fallu bien les chercher. La journaliste notait aussi cette précision de Madame le Maire : ces « remarques aideraient les conseillers communautaires à se positionner au moment du vote ». Un bilan de la concertation devra leur être présenté. Elle s’arrête ce soir, 2 mars ; l’agglo se réunit samedi 4 pour en délibérer est-il écrit. Les services vont devoir faire fissa. À moins que ce ne soit déjà fait ?
Ah, mais ! Il y a un hic : ce dossier n’est pas à l’ordre du jour du Conseil d’agglo de samedi. On ne rit pas.
Chercherait-on à nous balader ?

« Vote décisif de l’agglo ». Hélas ou heureusement il n’en sera rien. Une fois ce vote acquis – mais quand le sera-t-il ? il faudra écrire le dossier de Mecdu², consulter l’autorité environnementale et des dizaines de personnes publiques (les services de l’État mettent le temps qu’ils veulent et s’ils émettent des avis négatifs, on est reparti pour un grand tour) dont, comme commune littorale c’est obligatoire, la société régionale de conchyliculture ; non, non, on ne blague pas ! Puis procéder à une ou des réunions d’examen conjoint et, enfin, lancer l’enquête publique.
Le commissaire enquêteur rendra ses conclusions et… on arrête là. Car entre les services de l’État pas plus pressés que cela et ceux de la Communauté d’Agglo totalement débordés – ils sont cinq pour traiter tous les dossiers du Pays basque – l’Hermione sera sortie de sa cale angloye avant que le premier parpaing d’Aguilera soit posé.

De fiasco en fiasco

Puisque on est dans les fiascos annoncés, une petite dernière qui n’a (presque) rien à voir : la Communauté d’Agglo crée un secrétariat général à la transition énergétique et à la planification écologique doté de quinze agents pour commencer puis dix autres l’an prochain : vingt-cinq personnes ! Et quasiment tous des cadres A, évidemment. Alors qu’une organisation transversale des équipes aurait largement suffi avec, pour faire plaisir au président, un coordinateur éventuellement.

La chétive pécore s’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages,
nous enseigne La Fontaine³ :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

¹ Voir Aguilera : une méthode
² Mise en compatibilité du document d’urbanisme
³ La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf, fable

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