Passion

Niccolò dell’Arca

Il n’est pas le plus connu des sculpteurs de la Renaissance. D’ailleurs on ne connaît avec précision que la date de sa mort, le 2 mars 1494. Le reste, sa vie, n’est que suppositions. Quasi contemporain de Donatello, il apparaît à des années lumières de la renommée de celui-ci et tout aussi éloigné de son style.

Il n’a pas non plus laissé une œuvre immense. Deux importantes sont parvenues jusqu’à nous, les deux à Bologne. Qui passe par là doit s’arrêter à l’église Santa Maria della Vita pour y découvrir, admirer et même se recueillir devant sa Lamentation sur le Christ mort. Une sculpture en terre cuite qui n’est pas non plus la matière la plus noble, loin du bronze et a fortiori du marbre, parce que plus facile à travailler et à reprendre. Le pauvre Niccolò n’avait rien pour devenir illustre. Et pourtant… Voyez ce prodige !

Six personnages entourent le corps du Christ après la déposition. Nicodème est en tenue renaissance, comme invitant le spectateur à contempler la scène. La tête du Christ repose sur un oreiller lui aussi bien peu moyen-oriental de l’époque de la Passion. Marie, sa mère, pleure, les mains jointes.

Ce sont les deux femmes de droite qui confèrent à la scène une puissance extraordinaire et son intensité tragique. En plein Quattocento, Niccolò dell’Arca pourrait donner une leçon de maniérisme au père du genre, Caravage, qui naîtra pourtant un siècle plus tard. Ses doigts impriment à la terre ce souffle de vent que Le Bernin extraira de la pierre, deux siècles plus tard.
Alors que les autres personnages sont statiques, elles s’élancent comme deux furies vers la scène. Rien dans leur posture n’a la retenue que requiert l’époque. Leurs tenues sont débraillées, leurs vêtements portés n’importe comment s’envolent dans tous les sens. Visages tendus et tordus d’effroi, elles hurlent leur douleur. Elles font de la Lamentation sur le Christ mort, un des plus grands chefs d’œuvre de l’art figuratif.
En langage d’aujourd’hui on dirait qu’elles sont des OVNI dans le siècle : elles ne sont annoncées par rien et rien ne les continuera. Un chef d’œuvre sans référence et sans perpétuation.