Vente du siècle, demain, jeudi 27 juin 2019, à partir de 18 heures à la Halle aux Grains de Toulouse

« Vers 15 ans, j’ai rencontré l’objet de mon désir. C’était dans un livre consacré à la peinture italienne : une femme vêtue d’un corsage blanc se dressait sur un fond noir ; elle avait des boucles châtain clair, les sourcils froncés, et de beaux seins moulés dans la transparence d’une étoffe.
(…) Il y avait derrière elle un rideau en velours bordeaux roulé sur lui-même, qui a longtemps figuré dans mes rêves ; une lumière blanche tombait violemment sur son beau visage grave ; et tout son corps surgi du noir se jetait en avant, bras tendus, la poitrine dressée, comme une apparition qui déchire la nuit.
J’étais si obsédé par sa “gorge triomphante”, comme le dit Baudelaire à propos d’une autre “enchanteresse”, que je croyais son buste entièrement nu : en fixant son chemisier humide de sueur, je devinais la pointe durcie de ses seins. L’éclair brûlant des voluptés courait à travers ce tableau rouge et noir ; le corps de cette femme m’ouvrait à un avenir sensuel.
À son oreille, une adorable perle était fixée par un nœud de velours noir dont la boucle formait un papillon. Il arrive qu’un détail rivalise avec le monde : cette perle, ce papillon noir me plaisaient à ce point qu’ils jouèrent un rôle crucial dans ma vie. Je peux dire qu’ils veillèrent ensemble sur mon désir ; ils en étaient l’image – ils en devinrent la clef » écrit Yannick Haenel en ouverture de son récit La Solitude Caravage, éd. Fayard, collec. Des Vies, Paris, février 2019.

De Caravage (1571-1610) nous connaissions déjà ce Judith et Holopherne exposé à Rome, que nous avons vu à Noël à l’exposition du Musée Jacquemard-André de Paris, Caravage, Amis et Ennemis. Il faut dire qu’il en avait, et de sérieux ! C’est bien pour ça qu’il eut une vie si terrible, accusé d’assassinat, traqué, harcelé et finalement assassiné à son tour à 38 ans dans une ruelle mal famée d’Ostie. Effrayant de réalisme : quand on veut s’installer devant lui, on a un recul instinctif tellement le visage de cet Holopherne est terrible, contrastant avec la beauté calme de la petite Judith ; seule la servante semble effrayée de son geste mais malgré tout prête à recueillir la tête.
Demain 27 juin, sera mis en vente aux enchères, après restauration, cet autre Judith et Holopherne, découvert en 2014 – ô miracle ! abandonné dans un vieux grenier de Toulouse.
La paternité de Caravage est attestée par les meilleurs experts, puisqu’il ne signait aucun de ses tableaux. Cependant je me demande quand même s’il n’est pas permis de douter encore… Il serait plus tardif que le premier. Pourquoi dès lors, Caravage évoluant vers le toujours plus sombre et cru, nous préserve-t-il du visage et du regard dans le deuxième, alors qu’il l’envoie en pleine face à notre répulsion dans le premier ? Pourquoi Judith détourne-t-elle le regard ? Ce regard détourné n’est pas naturel. Je ne le sens pas de Caravage.

Selon Le Monde, la maison de vente Labarbe a annoncé hier mardi que le tableau ne sera pas mis en vente demain. Il a été finalement cédé de gré à gré à un acheteur étranger proche d’un grand musée.
L’Etat français avait cependant la même incertitude que toi quant à l’authenticité et ne s’était pas porté acquéreur.
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On apprendra bientôt que tout cela n’était qu’un canular, tu verras
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